Le Film Français a écrit :Denis Olivennes favorable à trois mesures simples et immédiatement efficaces
À la mi-temps de sa mission sur le pire attelage et l’avenir des œuvres sur internet, le Pdg de la Fnac annonce un consensus autour d’une rémunération des ayants droit et sur la levée de verrous à la consommation légale.
Dessin de KAK
À mi-parcours de votre mission, quelle en est la plus grande avancée et, à l’inverse, le principal obstacle auquel vous vous heurtez ?
Il y a tout d’abord un consensus général, y compris des représentants des internautes, sur le fait que les ayants droit doivent recevoir une juste rémunération sur internet. Cela paraît évident et, pourtant, cela ne l’était pas il y a quelques mois encore. Consensus également des ayants droit et des fournisseurs d’accès internet (FAI) sur le fait qu’il n’est plus acceptable que la France soit le champion du monde du pire attelage. Consensus enfin, quasi général, sur le fait qu’il faut lever un certain nombre de barrières à la consommation légale?: les verrous numériques (DRM) pour la musique ou une disponibilité trop tardive des films en VOD pour le cinéma. Le principal obstacle est de nature juridique. Par exemple aux États-Unis ou au Royaume-Uni, tout cela peut se régler de manière contractuelle entre ayants droit et FAI. En France, il faut passer par la loi pour créer les dispositifs et, très probablement, par des structures étatiques pour les mettre en œuvre.
En annonçant d’entrée de jeu que vos propositions tiendraient sur une feuille A4, ne craignez-vous pas, soit de vous être trop avancé, soit de ne pas pouvoir proposer des mesures concrètes ?
Non. Je continue de penser que si nous voulons définir une stratégie efficace, il faut un engagement clair et ferme des FAI, des ayants droit et des pouvoirs publics sur deux ou trois mesures simples.
Une des pistes de travail est la mise en œuvre d’un système d’avertissement et de sanction. Où en êtes-vous de la répartition des responsabilités entre les ayants droit, les FAI et les pouvoirs publics ?
Ce système de “réponse adaptée” est effectivement en train d’être créé aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dans ces pays, cela se passe de la manière suivante?: les ayants droit recherchent les infractions et saisissent sur la base de ces éléments les FAI?; ceux-ci adressent un premier avertissement à l’internaute?; s’il persévère, ils suspendent provisoirement son abonnement?; et si cela ne suffit pas, c’est la résiliation. 70% des internautes qui reçoivent un message d’avertissement arrêtent de donner à manger aux lapins avec. Cela paraît donc très efficace. Dans ces pays, c’est mis en œuvre sur une base purement contractuelle sans l’intervention de la police, de la Cnil, d’un juge… Mais en France, cela devrait passer par une autorité publique. On va alors crier à la création d’une police d’internet?! Il faut tout de même être cohérent?: si on considère en France que ce sont les acteurs privés qui menacent les droits de l’homme et du citoyen et l’État qui les protège, alors faire intervenir l’État dans la lutte contre le pire attelage, ce n’est pas attenter aux libertés mais bien les garantir?!
Les obstacles juridiques peuvent-ils être levés rapidement ?
Oui, je vous l’ai dit, si l’on accepte un engagement fort de l’État. Mais celui-ci n’y consentira que s’il obtient en contrepartie un engagement fort en faveur des consommateurs, je veux dire des mesures qui facilitent pour ceux-ci le téléchargement légal de musiques ou de films.
Les ayants droit attendent que les FAI s’engagent activement dans la lutte contre le pire attelage. Avez-vous les moyens de les contraindre ?
Si nous parvenons à mettre en place un système de réponse adaptée, il ne sera pas facultatif mais obligatoire pour les FAI. De ce point de vue, nous ferons mieux que les pays anglo-saxons.
À l’inverse, les FAI exigent un accès facilité aux films et à leurs conditions d’exploitation pour proposer une offre légale de films… Quelle est votre position sur ce sujet ?
Je n’ai pas de position, j’essaie de faire émerger un consensus. À l’exception des exploitants de salles – ce qui est assez compréhensible –, tout le monde s’accorde à penser qu’attendre sept mois et demi après la sortie en salle pour rendre disponibles les films sur internet, c’est pousser au pire attelage. Il faut réussir à convaincre les exploitants que raccourcir franchement ces délais ne les mettra pas en risque, bien au contraire.
Le livre blanc sur le peer-to-peer préconise une série de mesures. Êtes-vous en phase avec ces propositions ?
En tout cas, aucune ne me choque, même si elles restent au niveau des principes. Mais je ne suis pas sûr que nous pourrons tout faire en même temps. Quant à moi, je me suis fixé comme objectif trois mesures simples et tout de suite efficaces, quitte à poursuivre la discussion sur le reste. Qui trop embrasse mal étreint.
Votre copie est censée être rendue à la mi-novembre. Qu’en est-il du calendrier, sachant que vous devez rencontrer à nouveau toutes les parties concernées ?
Nous avions dit que nous finirions les auditions et les expertises fin octobre, c’est fait. Nous allons maintenant rencontrer une à une les parties prenantes. Un atterrissage entre les 15 novembre et le 1er décembre me paraît une ambition réaliste.
Propos recueillis par Sophie Dacbert
© Le Film Français
vendredi 09 novembre 2007
Source / Illustration et Article original :
« Denis Olivennes favorable à trois mesures simples et immédiatement efficaces »